Il y a 80 ans

HEURES SOMBRES DE METZ

de Georges Jerôme.

 

Du déclenchement de l’offensive allemande le 10 mai 1940 jusqu’au 17 juin 1940, Metz vit les soubresauts des opérations militaires. La ville connait un lent exode de sa population au gré des évènements avant de connaitre un mouvement précipité dans un contexte de désorganisation administrative dans les jours qui précédent l’entrée des allemands à Metz.

 

L’exode de la population de Metz

Au recensement de 1936, la population de Metz compte 83 119 habitants. Quelques mois après la déclaration de guerre, un avis ministériel est placardé conseillant aux Messins que rien ne retient dans la ville de la quitter pour éviter des morts inutiles en cas d’attaque aérienne. 6500 habitants partent volontairement dès le début des hostilités. Le 5 septembre 1939, les 540 malades des hôpitaux messins sont embarqués dans des wagons de marchandises sur le quai militaire du Sablon pour la Vienne. Les 9 et 10 septembre 1939, plusieurs milliers de ressortissants du bureau de bienfaisance sont évacués en trois convois vers la Charente (personnes âgées, nécessiteux). Des évacuations ont lieu dans les semaines qui suivent. Fin octobre 1939, la population ne compte plus que 40 000 habitants et tombe à 20 000 en juin 1940. La communauté juive (8606 juifs recensés en 1936) quitte en presque totalité le département en octobre 1939. Henri Hiegel écrit que la plus grande partie des juifs de Metz est partie dans la première quinzaine de juin 40. Le Grand rabbin Netter part avec un des derniers trains qui quitte Metz le 14 juin 1940.

 

Metz « ville ouverte »

Depuis août 1939, le préfet de la Moselle Bourrat assure la liaison avec le général Condé, commandant de la IIIe armée (Q.G. Fort Jeanne d’Arc) qui couvre le secteur de Thionville et Metz. Du 10 mai 40, début de l’offensive allemande, au 21 mai 1940, 40 tirs d’artillerie sur Metz sont comptabilisés. Le bombardement du 10 dure de 10h à la nuit tombée. Le 13 juin 1940, Gabriel Hocquard, maire de Metz, déserteur en 1914 de l’armée allemande et engagé volontaire dans l’armée française, doit partir car il a été condamné à mort. Le même jour, le général Condé annonce au préfet Bourrat le repli total des unités hormis le Génie pour des destructions stratégiques. Metz n’est pas défendue. Elle est considérée comme « ville ouverte ».

 

La situation de la population à Metz

La question du ravitaillement est secondaire : la ville a des réserves. Il y a des pillages. Pour suppléer le manque d’effectifs de la police l’administration cherche à constituer une garde civique. Tentative vouée à l’échec faute de candidats. La distribution du gaz est interrompue en raison de l’arrêt de l’usine à gaz de Moyeuvre. Celle de l’électricité est perturbée après la destruction de l’usine d’Argancy. L’eau potable venant de Gorze continue à alimenter Metz (le pont des Morts est épargné pour ne pas endommager le réseau d’alimentation d’eau). La mobilisation générale perturbe l’organisation des transports en commun urbains. Les douze autobus les plus récents sont réquisitionnés dès septembre 1939 et 66 % des receveurs et conducteurs sont mobilisés, remplacés par des femmes. La circulation des tramways est perturbée. Toutefois, comme les Allemands sont entrés à Metz sans livrer le moindre combat, le réseau des transports en commun n’est pas détérioré.

 

Les derniers jours de l’administration française 

L’adjoint au maire Victor Weydert fait fonction de maire. Les affectés spéciaux et les fonctionnaires qui ont servi dans l’armée française reçoivent l’ordre de partir. Le 17 juin 1940, les Allemands font leur entrée à Metz. L’Oberst Hossfeld, commandant de l’Infanterie Regiment 379 appartenant à la 169 Infanterie Division du général Kirchheim, arrive sur Gravelotte. Il est accueilli par des membres d’un groupe de mosellans pro nazis baptisé « Deutsche Front Lothringen » qui le guide jusqu’à la mairie où il obtient la reddition officielle de la ville de Metz. Des autocars réquisitionnés chargés de soldats  allemands prennent possession des services techniques municipaux notamment les usines de production et de distribution de l’énergie (eau, gaz et électricité) et les transports en commun (bus et tramways).

Le dernier arrêté préfectoral de Bourrat daté du 17 juin 1940 est cosigné par l’Oberst Hossfeld, l’officier qui a obtenu le jour-même la reddition de Metz. Le 18 juin 1940, le préfet Bourrat est mis en résidence surveillée. Il est remplacé le 25 juin par le Dr Rech représentant du Reich en Moselle.

 

La commission municipale des nazis messins

A la faveur de la désorganisation administrative, dix factieux créent le 17 juin 1940, lors d’une réunion à la Brasserie du Fauve, le Front Allemand de Lorraine (Deutsche Front Lothringen) et mettent en place une commission administrative. Ils dissolvent le conseil municipal et immédiatement congédient vingt membres du personnel municipal « français de l’intérieur ». Ils se répartissent les postes : Aloïs Mar, industriel, s’autoproclame « Gauleiter adjoint pour la Lorraine », Philippe Prud’homme, huissier de justice, chef de la police urbaine, Auguste Muller, gardien de la paix, chef de la Sureté et Charles Houpert, employé auxiliaire à la Recette municipale, maire allemand à titre provisoire (Kommissarische Bürgermeister). Les arrêtés municipaux sont publiés en français et en allemand dans la presse locale jusque fin juin 1940.

 

Metz sous administration militaire

Le Generalmajor Ferdinand Kuckein est nommé commandant militaire de la Place de Metz (Ortskommandantur Metz) le 18 juin 1940. Outre l’administration de la garnison, il représente le commandant de la 1ère armée allemande auprès des autorités civiles. Un conseiller d’administration militaire est détaché auprès de la mairie de Metz. Il transmet les directives de l’autorité militaire. Il leur notifie que «  la langue officielle est la langue allemande » et que « le salut est le salut allemand ». Une ordonnance de la Kommandantur du 18 juin 1940 précise que toutes les horloges doivent être avancées d’une heure. Metz vit désormais  à l’heure allemande.

 

Sources :

-Charles Bourrat, L’Agonie de Metz, Metz, éditions Le Lorrain, 1947

- Georges Jérôme, conférences « Metz sous le joug nazi 1940 1944» et « Les Maires de Metz pendant l’annexion allemande 1940 1944»

-Georges Jérôme, « Les Maires nazis de Metz 1940 1944 », Metz, revue L’Austrasie, 2019

-Fonds documentaire de  l’Ascomemo à Hagondange

-Archives Municipales de Metz, fonds Z

                          

14 juin 1940 : place Saint-Jacques  désertée                                                                              14 juin 1940 : pont mixte détruit à Metz-nord par le Génie français

               

17 juin 1940 : arrivée des Allemands                                                                                                                         18 juin 1940 : défilé de la 169e ID boulevard Poincaré

(Sources photos : Ascomémo-Hagondange, publiées dans Philippe Wilmouth, (sous la direction de …), Metz en guerre 1939-1945, St-Cyr/Loire, éditions Sutton, 2008)