Les pages d'histoire

du Trimestre

 

 

ASCOMEMO A TAMBOV

 

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Après un premier voyage en avril de Philippe Wilmouth, à l’invitation de l’ancien maire de Tambov (Russie), Sergei Chebotarev, pour présenter un projet d’exposition permanente au musée ethnographique de la ville, une délégation mosellane de 22 personnes a débarqué en juillet sur ce lieu hautement symbolique de l’internement des Malgré-Nous. En effet de fin 1943 à octobre 1945, environ 15 000 Alsaciens-Mosellans prisonniers de l’Armée Rouge furent réunis dans le camp 188 dans la forêt de Rada. Plus de 2 500 y succombèrent. Tambov se distingue dans la mémoire globale des incorporés de force à partir de 1965 et du grand rassemblement des Anciens de Tambov à Obernai et entre ainsi dans la Mémoire des territoires annexés. Ascomémo a certainement la plus belle collection sur le sujet en ayant réuni les collections de Jean Thuet, feu président de la Fédération des Anciens de Tambov à Mulhouse, et du Musée de Tambov déposé dans notre établissement par la ville d’Amnéville. Depuis 2017, quatre délégations tamboviennes ont déjà visité notre musée, tissant ainsi des liens amicaux entre la ville de Tambov, la municipalité de Hagondange et notre musée.      

DES FAMILLES D’ANCIENS DE TAMBOV EN PELERINAGE DANS LA FORET DE RADA

A l’initiative de Serge et de Philippe de l’Ascomémo, le voyage fut merveilleusement organisé par André Pauly, président de France-Meeting. Vingt-deux Mosellans se sont donc rendus en Russie. Parmi la délégation, 9 membres d’Ascomémo, deux élus représentant la ville de Hagondange à savoir Valérie Romilly et Bernard Séris, un professeur d’université, Jean-Noël Grandhomme, un doctorant, Laurent Kleinhentz et des familles d’Anciens de Tambov : Madeleine, 82 ans, sœur d’un Ancien, qui l’a vu revenir sur le quai de la gare à Metz en 1945 ; Gérard et Robert, enfants d’Anciens ; Henri, neveu ; André, enfant d’un des «1500 »  libérés le 7 juillet 1944.

 

Accueillie magnifiquement par la municipalité et la douma de Tambov, la délégation mosellane s’est rendue à la flamme éternelle, au monument des Alsaciens-Mosellans en forêt de Rada (zone militaire), au cimetière avec des fosses communes en pleine forêt, au mémoriel international des victimes des nazis, à la gare de Rada, au monument dédié aux enrôlés luxembourgeois, à la statue de l’artiste mosellan Paul Flickinger sur l’entente franco-russe (statue initialement baptisée « Malgré-Nous » avant que les Anciens combattants russes ne refusent cette appellation) perdue dans un parc au milieu d'immeubles… A chaque fois, la délégation a pu rendre hommage en y déposant des œillets rouges.

De grands moments d’émotion partagés notamment lorsque Philippe a fait bousculer le protocole pour que les familles soient en avant de la cérémonie ; lorsque Madeleine a raconté l’histoire de son frère à la télévision russe en pleine forêt de Rada sous la pluie (« les larmes du ciel »), lorsque Madeleine a pris de la terre pour les intégrer dans des matriochkas à destination de ses enfants, terre qu’elle a également déposé sur la tombe de son frère ; lorsque Robert a découvert le nom de son grand-oncle sur le lieu d’un charnier, lorsque Laurent nous montra l’excavation laissée par une baraque, seule trace d’époque encore visible aujourd’hui… La délégation était accompagnée par un groupe d’adolescents associé aux cérémonies, qui ont ainsi pu être sensibilisés au drame des Malgré-Nous.

 

LE MUSEE MILITAIRE DE TAMBOV ACCEPTE LES OBJETS CÉDÉS PAR LE MUSEE DE LA MOSELLE.

A peine avions-nous un pied sur le quai de la gare de Tambov, que les élus et les employés du musée se sont inquiétés de savoir si nous avions bien avec nous les objets et documents promis en juin. Confirmation de la délégation mosellane puisque ce don, le deuxième de l’étranger, était l’objet central de notre venue. Dispatchés dans les valises des membres de l’Ascomémo, une trentaine d’objets, une clé USB avec des scans de 188 dessins, un film en 3D fourni par les Luxembourgeois et le film des « 1500 » ont été récupérés à l’hôtel et emmenés au musée.

Dans l’après-midi, de façon très officielle, après des discours du directeur du musée, d’élus, du directeur de France-meeting et du président d’Ascomémo, après les hymnes nationaux, une convention a été signée entre les deux musées pour la prise en charge des objets.

           

EXPOSITION SUR LE CAMP 188 MONTÉE À TAMBOV PAR ASCOMEMO

En effet, en avril, le musée ethnographique de Tambov, en plein cœur de la ville de 300 000 habitants, avait émis le souhait que Philippe monte une exposition définitive sur le camp 188 de la forêt de Rada. Le calendrier était serré : proposition de panneaux avant juillet, livraison des objets en juillet, inauguration en octobre. Et aucun moyen, et peu d’aides malgré les multiples sollicitations du réseau d’André tant en Alsace, en Moselle et au Luxembourg. Le Conseil départemental avait fourni il y a deux ans des photos de dessin, copiés d’ailleurs à Ascomémo, mais rien de construit, voire d’exploitable.

 

Avec l’aide de Slava pour les traductions, nous avons donc proposé des panneaux de l’exposition du musée de Hagondange créés par Philippe et Roland en 2012. Ils concernent l’incorporation des Mosellans et le camp de Tambov, soit 6 panneaux. Nous avons élargi le sujet dans le texte à l’Alsace et au Luxembourg. Nous avons complété la série avec un panneau introductif expliquant la situation dans les territoires annexés et un panneau final (non exposé pour l’instant ?) sur les traces mémorielles sur nos terres de l’entre-deux. Quelle surprise : à notre arrivée, les panneaux, en russe, étaient exposés ; les objets récupérés le matin mis partiellement dans deux vitrines et légendés ; la maquette d’une baraque donnée par Laurent exposée ! C’était surprenant de voir nos panneaux de Hagondange à l’identique… en russe, à Tambov, à 3 000 km, sur un lieu emblématique!

         

Notre exposition a été complétée par un film en 3D créé par des étudiants russes, un film qui a choqué la délégation mosellane. La pelouse tondue, les tables de « pique-nique »… donnaient une impression de « camp de colonie de vacances ». Le discours est clair, maintes fois répété au cours de notre périple mémoriel : « les Russes se seraient bien occupés des prisonniers à l’inverse des Allemands (sic) ». Les Russes comparent la vie de ce camp de prisonniers de guerre à l’enfer des camps de concentration nazis. D’ailleurs dans la même salle, une vitrine montrait des photos de sévices dans les KZ comme pour en faire immédiatement la comparaison. Des comparaisons fort discutables en l’occurrence : un camp de prisonniers de guerre n’est pas un camp de concentration ! Certes, les Russes n’ont pas eu la volonté d’éliminer les prisonniers à Tambov. Ils l’auraient fait –et l’ont fait - avant, au moment où les incorporés étaient fait prisonnier ou se rendaient ; lors des longues marches au coin d’une forêt ou dans les camps de triage… Mais les conditions naturelles de la Russie et notamment des hivers rudes, la famine qui sévissait aussi pour les civils, la dureté des travaux dans les kommandos,… ont laissé le souvenir indélébile d’une épreuve inhumaine. Nous n’avons évidemment pas la main étant donné la distance et la réglementation russe, mais les Russes n’ont, semble-t-il, fait aucune censure sur nos panneaux. Nous avons aussi livré 188 scans de dessins, un film en 3D créé par les Luxembourgeois plus réaliste que le film russe, le film de propagande du retour des « 1500 » par Téhéran et Alger… Cette exposition pour l’instant provisoire va être complétée. Par qui ? Elle sera inaugurée en octobre par une délégation du Conseil départemental de la Moselle et l’ambassadeur de France, a priori sans Philippe, pourtant commissaire de cette exposition. L’essentiel pour nous est qu’elle soit vue par les Tamboviens et en particulier les scolaires, (il y a une école française à Tambov !). Le rêve de la ville de Tambov est d’inciter un tourisme de mémoire avec les enfants et petits-enfants de Malgré-Nous. Une baraque devrait d’ailleurs être reconstituée dans la forêt de Rada.

En attendant, sans le travail - de bénévole - de Philippe, sans l’acharnement d’André de France-Meeting, rien n’aurait pu être fait. L’Ascomémo peut être fière de contribuer à faire connaître le drame de l’incorporation de force et le camp 188 à la population tambovienne sur les terres mêmes d’un lieu entré dans la mémoire des territoires annexés. L’Ascomémo prend aussi une autre dimension !

 

 

 

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