Souvent
dans les monographies, on évoque « le
vol des cloches » que ce soit en 1917 ou en 1943. Certes les cloches
sont effectivement réquisitionnées pendant ces deux guerres mondiales, mais ce
n’est pas une mesure antireligieuse. C’est une mesure économique dans le cadre
de la récupération des matières premières à des fins militaires dans tout le
territoire allemand.
D’ailleurs, elle concerne aussi les cloches de bâtiments
laïcs. Dans le même esprit, on peut aussi signaler que le 1er
février 1944, les paroisses sont avisées que la réquisition des fabriques de
cire au profit de la Wehrmacht et des
zones bombardées nécessitent une économie des cierges dont elles disposent[1].
Etat des cloches confisquées
|
Archidiaconés
|
archiprêtrés
|
Nombre de cloches confisquées
|
Poids approximatifs en kg
|
Metz
|
Saint-Vincent
|
-
|
|
|
Sainte-Ségolène
|
-
|
|
|
Notre-Dame
|
-
|
|
|
Boulay
|
54
|
37
993
|
|
Faulquemont
|
53
|
33
358
|
|
Gorze
|
-
|
|
|
Pange
|
2
|
1
250
|
|
Pournoy
|
2
|
70
|
|
Vigy
|
2
|
688
|
Thionville
|
Aumetz
|
3
|
2
017
|
|
Bouzonville
|
36
|
25
574
|
|
Cattenom
|
28
|
17
742
|
|
Hayange
|
-
|
|
|
Metzervisse
|
42
|
24
207
|
|
Moyeuvre-Grande
|
-
|
|
|
Sierck
|
43
|
23
818
|
|
Thionville
|
-
|
|
Sarreguemines
|
Bitche
|
42
|
23
331
|
|
Forbach
|
62
|
50
192
|
|
Morhange
|
64
|
54
174
|
|
Rohrbach
|
46
|
37
332
|
|
Saint-Avold
|
79
|
44
905
|
|
Sarralbe
|
38
|
29
671
|
|
Sarreguemines
|
65
|
56
770
|
|
Volmunster
|
38
|
25
247
|
Château-Salins
Sarrebourg
|
Alberstroff
|
42
|
26
890
|
|
Château-Salins
|
63
|
40
751
|
|
Delme
|
60
|
39
495
|
|
Dieuze
|
33
|
20
739
|
|
Vic/Seille
|
26
|
19
400
|
|
Fénétrange
|
-
|
|
|
Lorquin
|
-
|
|
|
Phalsbourg
|
-
|
|
|
Réchicourt
|
-
|
|
|
Sarrebourg
|
|
|
|
|
925
|
657
594
|
Dès 1941, les cloches doivent
rester silencieuses pendant le temps d’une alerte aérienne, du coucher du
soleil jusqu’à 13 heures et pendant les heures d’extinction des lumières.
L’ordonnance du 23 décembre 1941 prévoit que les cloches en bronze et les
parties du bâtiment en cuivre doivent être mises à la disposition de la réserve
de l’armement. Les cloches doivent être déclarées et livrées. La réquisition
dépend du bureau d’Etat pour le métal à Berlin. En premier lieu, seul le cuivre
est à déclarer.
En 1942, la Kreishandwerkerschaft,
la Chambre des métiers, est chargée d’étudier et d’organiser l’enlèvement des
cloches en Moselle[3].
Le démantèlement et le
transport des cloches sont à la charge du Reich.
En Moselle, c’est l’entreprise Peiffer de Kaiserslautern (Palatinat) qui se
charge du démontage et du transport, généralement via les gares du secteur. Il
est prévu que l’autorisation d’un Ersatzmetall,
un métal de remplacement, et le dédommagement seront assurés après la guerre.
Le remplacement et les frais des parties en cuivre sont réglés au cas par cas.
L’administration peut permettre éventuellement des dérogations. Les cloches non
réquisitionnées ont moins de 10 kg ou sont utilisées pour les signaux du chemin
de fer, du trafic de bateaux et des pompiers. Les Allemands récupèrent aussi
les cloches détériorées et non utilisées, considérées comme déchets ferreux, se
trouvant chez les ferrailleurs. Dans tous les clochers, une cloche est laissée,
généralement la plus petite, surtout pour servir d’avertisseur en cas
d’incendie car la sonnerie de l’angélus, pour les mariages, les baptêmes et les
offices est interdite. Seule est tolérée une courte sonnerie, pas plus de trois
minutes, pour l’office du dimanche matin et pour les enterrements[4].
Dans le secteur de Metz et
Metz-campagne, les employés mosellans avec la complicité des responsables allemands
de la Chambre des métiers font tout pour retarder l’échéance des réquisitions.
Finalement, les cloches de ces arrondissements ne sont pas démontées malgré les
relances de novembre 1942 et de septembre 1943[5]. En
revanche, des opérations ont cours encore en août 1944, notamment dans la
vallée de la Fensch où des ouvriers, certainement du Service du travail
obligatoire (STO), descendent les trois petites cloches de Sérémange et les
laissent en vue, le long du mur du cimetière. Elles n’ont pas le temps d’être
embarquées[6],
grâce à l’arrivée des Américains.
En 1945, Mgr Schmit annonce que
927 cloches ont été confisquées[7].
Soixante-dix-huit[8] sont récupérées après la
guerre en Allemagne, notamment au dépôt de Kaiserslautern. Finalement, selon
l’abbé Thomas chargé de la reconstruction des églises, 845 cloches, soit 587
925 kg, ont disparu dans les églises pour un coût estimé à 3 milliards et demi[9].
Un signal sonore qui rythmait la
vie sociale et religieuse disparaît dans de nombreuses paroisses pendant cinq ans
au moins.
(Extrait
thèse de doctorat de Philippe Wilmouth, « Le
diocèse de Metz écartelé 1939-1945 »)
Témoignage de l’abbé Welferinger de Basse-Ham cité dans
Jacky Klaiser, 1609 jours sous la botte,
Florange, imprimerie Presses du Tilleul, 2004, p. 61.
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