A
partir du 15 octobre 1940, en Moselle jusque là concordataire, toutes
obligations de participation pour couvrir les dépenses de fonctionnement et de
personnel de l’Eglise sont supprimées que ce soit des engagements publics ou
privés. Non seulement les contributions en argent sont supprimées mais
également les aides de toutes natures comme par exemple la gratuité des
terrains. Les communes n’ont plus l’obligation de compenser le déficit des
conseils de fabrique. La rémunération des vicaires, sacristains, chantres,
organistes, sonneurs de cloches, suisses appariteurs et tous les autres employés
au service de l’église n’est plus à assurer par les communes. De même, les
subventions pour prédications, décorations et embellissement des églises sont
supprimées. Les communes ne sont plus dans
l’obligation de mettre un presbytère ou un appartement à la disposition des
prêtres. Les Allemands suppriment le droit d’usufruit exercé par les communes
au profit des églises et des presbytères que la Révolution française avait
déclaré propriété de l’Etat. Désormais, un contrat doit être passé entre les
communes et le conseil de fabrique en vertu duquel la commune abandonne au
profit de l’autorité ecclésiastique l’église, le presbytère et les dépendances
à charge pour le conseil de fabrique d’assurer tous les frais d’entretien et les
charges. Ces contrats sont valables cinq ans. Si un presbytère est occupé, le
prêtre peut continuer à y loger à condition de signer un contrat de location
avec un bail annuel et de payer un loyer. En cas de désaccord entre le curé et
le conseil de fabrique d’une part et la commune d’autre part, le curé doit
quitter le presbytère. Même l’emploi des églises est soumis à contrat de
location, sans toutefois versement d’un loyer. Tous les frais d’entretien, de
réparation, de transformation des édifices religieux ne sont plus pris en
charge par les communes. La paroisse doit payer les frais et l’assurance
incendie. Le budget de la paroisse est assuré par le conseil de fabrique et en
cas d’insuffisance de recettes par l’évêché.
Pour
payer les prêtres du diocèse Metz, une taxe pouvant rapporter 4 millions de RM
par an doit être créée, ce qui implique une retenue de salaire de 3 à 6 RM par
mois pour tous les ouvriers. Cela équivaut à une journée de travail.
L’ordonnance du 8 octobre 1940
permet le prélèvement d’une Kirchenbeitragsordnung,
une cotisation cultuelle, pour couvrir les frais de cultes et les traitements
des ministres du culte. Pour le représentant du chef de l’administration civile
pour les affaires religieuses, cette « contribution
n’est pas un impôt ou toute autre forme de prélèvement de droit public opéré
par l’Etat ou par l’Eglise, mais une levée de droit privé pouvant donner lieu à
plainte devant les tribunaux, effectuée par l’Eglise en application du
règlement de contribution agréé à titre de statut et surveillé par l’Etat qui
n’autorise pas l’Eglise à procéder à des poursuites ou à des contraintes pour
en assurer l’exécution .» Ce n’est donc pas des
Kirchensteuer, impôt d’église, levé par le percepteur, mais une contribution à
verser par ceux qui se déclarent catholiques et levée par les paroisses
elles-mêmes. La collecte est donc une surcharge de
travail pour les prêtres à qui on a attribué plusieurs paroisses du fait des
expulsions de curés. Les prêtres sont obligés de donner au conseil de fabrique
la charge la plus importante de ce travail.
Ce système est calqué sur celui établi dans d’autres régions annexées
comme la Bohême-Moravie ou l’Autriche mis en place par le Gauleiter Burckel,
mais il n’est pas instauré dans la Saarpfalz pendant la durée de la guerre.
Vichy proteste contre cette suppression du Concordat. Fidèle aux traités
passés, Vichy conserve durant toute l’occupation dans les comptes de l’Etat les
traitements du clergé des régions concordataires. Cette disposition est
uniquement juridique et symbolique. L’Allemagne y répond en ne revendiquant
jamais ces sommes dont elle est pourtant le créancier légitime au nom de ses
administrés.
L’Eglise
est donc autorisée à lever les montants nécessaires à la couverture des besoins
ecclésiastiques spécifiques et personnels à proportion des règlements de
contribution qu’elle doit alors établir. Ces règlements doivent cependant
recueillir l’assentiment des autorités de l’Etat. Les frais de culte, Grundbeitrag, sont rendus obligatoires à
partir du 1er avril 1941. Le versement est annuel, valable pour la
période du 1er avril au 31 mars, ou trimestriel. Pour les frais
d’entretien des églises, il faut payer une contribution foncière de 3RM par
personne majeure de plus de 21 ans et par an. Ne paient pas les 3RM, ceux qui
travaillent dans leur famille sans salaire, ceux qui sont employés au pair,
sans traitement, ceux dont les revenus ne dépassent pas 80RM par mois. En plus
de cette somme forfaitaire, un pourcentage des revenus annuels du ménage doit être
versé pour assurer le paiement des ecclésiastiques. Il est fixé année par année
selon les besoins du diocèse. Doivent payer : tous les catholiques
majeurs, domiciliés ou résidant habituellement dans le diocèse quelle que soit
leur nationalité. Les majeurs pendant la durée de leur formation
professionnelle, les membres de la Wehrmacht et leur femme, les religieux et
religieuses. Ceux qui touchent des allocations chômage, de réfugié ou de la
bienfaisance publique sont dispensés. D’après le nombre d’enfants en-dessous de
14 ans, la somme à payer est diminuée de 0,50 RM pour le 1er et le 2ème
enfant, de 1RM pour le 3ème et le 4ème, de 2RM par enfant
au-delà de 4, mais la réduction ne doit pas dépasser 50% du Beitrag total. La
somme peut être réduite pour des raisons spéciales (maladies, accident…). La
somme à payer au-delà des 3RM est fixée selon un barème défini par l’évêché.
Par exemple, quelqu’un qui gagne 3 000 RM par an doit payer 3RM de somme
forfaitaire et 16RM de contribution soit un total de 19 RM.
La
détermination de la somme à payer par chacun est affaire du conseil de
fabrique. Il se base sur les indications de revenus fournies par les intéressés
eux-mêmes à l’aide de formulaire ad hoc distribués par le conseil de fabrique
qui fixe leurs revenus d’après leur train de vie et leurs dépenses. Tous les
catholiques ont une carte où figure l’état-civil de tous les membres de la
famille. Cette carte est indispensable pour l’établissement des impôts. Pour
percevoir ces contributions, le conseil de fabrique peut s’adjoindre des
auxiliaires bénévoles qui peuvent toucher comme rétribution jusqu’à 3% de la
somme ramassée. A l’évêché est institué un « Diocesan Beitragstelle, un
service de la contribution diocésaine », sous la responsabilité de
l’abbé Schmitt, secrétaire épiscopal. Il fixe annuellement les besoins du
diocèse et le pourcentage à payer sur les revenus après approbation de l’Etat.
Il rédige les formulaires, reçoit les relevés des paroisses, examine les réclamations…
En cas de refus de paiement, le Beitragstelle
peut porter plainte devant les tribunaux civils, mais aucune sanction n’est
prévue en cas de non-paiement. Il suffit de déclarer sa sortie de l’Eglise pour
échapper au Beitrag.
Pour
l’abbé Annéser, l’impôt d’Eglise a un double but : « opposer le clergé aux fidèles en faisant du
curé quelque chose comme un agent du fisc à son propre profit et faciliter les
déclarations de sortie de l’Eglise qui libéraient de cet impôt. »
L’apostasie d’un grand nombre de catholiques est à long terme le but recherché
par les nazis. La réunion de l’épiscopat allemand de Fulda le 24 juin 1941
dénonce la « forte pression sur les
laïques en état de dépendance professionnelle et économique afin qu’ils
s’abstiennent d’assister aux offices religieux et même dans le but de les faire
sortir de l’Eglise catholique… » Alors même qu’il reconnaît cet
objectif, Le Lien, journal de liaison de Mgr Heintz à Lyon, s’interroge
toutefois sur cet impôt cultuel et sa pérennité éventuelle: « Serait-elle la solution idéale pour une organisation
postérieure »,
dans l’hypothèse de la Libération et d’une éventuelle séparation de l’Eglise et
de l’Etat imposée à l’Alsace-Moselle. En même temps, selon Dieter Wolfanger,
les services de l’Etat et du parti espèrent que les contributions ne permettent
pas de rétribuer correctement le personnel et donc que cela encouragerait les
retraits de prélats de l’Eglise.
Hitler va plus loin dans son raisonnement : « Lorsqu’elle dépend des dons des fidèles, l’Eglise ne parvient pas à
grappiller trois pour cent de ce que le Reich lui verse actuellement. Les
évêques lécheront les bottes de nos préfets pour obtenir d’eux quelque viatique
quand la manne officielle ne tombera plus. »
Mais,
l’impôt aurait été très fidèlement payé, seulement un sur mille aurait refusé. Le
15 mai 1943, seulement 1,2% de la population mosellane est « Gottglaubig, croyant en Dieu »,
c’est-à-dire croyant dans le sens national-socialiste et 0,3% « Glaubenlos, sans confession »
Philippe WILMOUTH
Adolf Hitler, Libres
propos, déjà cité, pp.187-191, 4 juillet 1942.
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