Les pages d'histoire

du Trimestre

 

 

Il y a  70 ans    

Introduction du Reichsarbeitsdienst (RAD)

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 Par ordonnance du 23 avril 1941, le Reichsarbeitsdienst (RAD), service du travail du Reich est introduit en Moselle pour toute homme et toute femme ayant entre 17 et 25 ans. Hybride entre organisation du parti et formation pré-militaire, le RAD préfigure l’introduction du service militaire 16 mois plus tard. Nous livrons ci-dessous un extrait du témoignage de Denis HANTZ de Marspich né en 1924 :

«Convoqué au conseil de révision à Nilvange le 16 septembre 1942, j’ai pu bénéficier d’un sursis de six mois[1] pour mes études que je n’ai pas pu terminées. On nous a cependant gratifiés d’un certificat de fin d’études homologué après guerre comme dispense de baccalauréat par les services académiques français.

J’étais appelé le 16 février 1943 à la Reichsarbeitsdienstabteilung 13/211 à Ubach, non loin de Aachen (Aix-la-Chapelle). Dans le train qui est parti de Thionville, nous n’étions que des Lorrains. Nous n’avons bien sûr parlé qu’en français malgré la présence de nos accompagnateurs allemands du RAD. Le train nous a amenés jusqu’à Palenberg, d’où nous avons dû poursuivre à pied jusqu’à Ubach.

Départ au RAD à Thionville. (coll. Ascomémo

Le camp se situait tout près de la frontière hollandaise et était composé de baraques en bois. Nous avons été répartis en chambrées d’une dizaine. Des lits superposés, une armoire pour chacun, un escabeau, une table et un fourneau composaient notre mobilier.

Dès le lendemain de notre arrivée, nous avons été mis en uniforme et avons perçu tout le barda réglementaire et le service a commencé. L’horaire était le suivant : 6h : lever, toilette et petit déjeuner avec beurre et marmelade. Puis jusqu’à 10h, éducation politique et musicale, exercice avec la bêche sur la place d’appel du camp après une soupe ou assiette de lait puisque nous étions mineurs. 12h30 : repas, en général assez correct, goulasch, légumes, patates en robe des champs, pudding. Après le repas : une heure libre, puis travaux au camp, aménagements divers, entretien, etc… 18h : souper, puis une heure de chant et quartier libre à l’intérieur du camp jusqu’au couvre-feu à 21h.

Le RAD était une formation paramilitaire. Il n’y avait pas de maniement d’armes[1] mais des bêches. Notre uniforme était kaki. Au bras gauche, nous avions un brassard rouge avec une croix gammée sur fond blanc. Nous étions sanglés d’un ceinturon. Nous étions chaussés de brodequins et de guêtres de toile. D’autres Abteilungen portent des bottes[2]

En temps de paix, le RAD était affecté à des travaux divers d’utilité publique. En 1938, étant en vacances chez de la famille en Sarre, une section du RAD travaillait au curage du ruisseau du village où j’étais… En fait, le RAD était déjà une préparation et une mise en forme en vue de la Wehrmacht.

Au camp, la moitié des effectifs était composée d’Allemands, l’autre de Mosellans. La cohabitation était très réservée. Les Mosellans se retrouvaient entre eux dans les temps libres et parlaient français ce qui était strictement interdit. Les chefs étaient de grossiers personnages qui faisaient du zèle pour être bien notés et éviter ainsi d’être versés à la Wehrmacht.

Le matin, les lits (sacs de couchage remplis de paille) devaient être faits au carré. Le soir, les habits devaient être pliés au carré sur le tabouret devant le lit, depuis la vareuse jusqu’au caleçon. A tour de rôle, chaque soir, l’un d’entre nous était chargé du nettoyage de la chambrée : balayage, époussetage, nettoyage du fourneau où ne devaient plus subsister ni braises, ni cendres. Un soir où j’étais de service, le chef qui était de ronde mit la main dans le poêle et la ressortit bien noircie de suie :

            -Quoi ? Vous appelez ça propre ? Je reviens dans une heure !

Je ne me suis pas amusé à vouloir nettoyer l’intérieur du fourneau. Quand il est revenu, il m’a envoyé au lit sans autre forme de procès.

            A cet appel du soir, tous ceux qui étaient au lit étaient censés dormir. Un soir, quelques-uns ont ricané sous leurs couvertures :

            -Quoi ? Vous ne dormez pas ? Montrez vos pieds !

Evidemment, aux yeux du chef de corvée, ils n’étaient pas propres. Il fallut sauter du lit, courir en chemise, pieds nus au lavabo dans une autre baraque. N’ayant pas pu emporter de serviette, nous n’avons pas pu sécher nos pieds et c’est les pieds mouillés qu’il a fallu traverser la cour recouverte de machefer. En revenant, nos pieds étaient vraiment sales :

            -Cochons que vous êtes ! Tout le monde au lavabo, au pas de course !

Et le même scénario s’est ainsi répété plusieurs fois jusqu’à ce que les envies de chicaner du chef se fussent calmées. Il fallait absolument nous mater, nous casser, faire de nous des robots qui marchent à la baguette, briser notre volonté et notre personnalité, nous faire obéir machinalement et servilement. C’était le « Drill », le dressage du militarisme prussien.

Au réfectoire, quand tout le monde était debout autour d’une table, un chef criait :

-Une maxime !

N’importe qui d’entre nous devait la prononcer. Tant qu’elle n’était pas dite, on ne pouvait pas se mettre à table. Si elle ne plaisait pas au chef, il fallait en chercher une autre. Parfois comme parade, nous disions n’importe quoi en donnant soit-disant comme auteur un grand du régime (Hitler, Göring…)

Quinze jours après notre arrivée au camp, on demanda qui a une bonne écriture. On se méfIait de telles questions car elles cachaient souvent des traquenards du genre corvée de chiottes. Ce matin-là, je risquais le quitte ou double. Je levais la main. Un autre Mosellan en fit autant. La chance nous sourit. Nous avons été affectés au Gruppe à Aachen, le PC qui commandait plusieurs camps. Notre Gruppe 215 était installé dans un château.

La maison était spacieuse, bien éclairée par de larges baies vitrées. Nous y étions 9 Arbeitsmänner, 5 Mosellans et 4 Allemands chargés de tous le service dans la maison : standard téléphonique jour et nuit, chaufferie, cuisine, entretien, courses diverses, etc. Nous étions logés dans deux chambres sous les combles, très confortables. Ca ne sentait pas du tout le camp ! Le Arbeitsführer était très humain. La nourriture y était bien meilleure qu’au camp. Tout le ravitaillement des camps était géré par le Gruppe. Ces messieurs y prélevaient d’abord largement pour leur compte. Comme nous étions témoins, ils ne pouvaient pas ne pas nous accorder les mêmes avantages.

En 1943, les bombardements massifs alliés sur les villes allemandes avaient commencé. Nos Abteilungen avaient été à plusieurs reprises au déblaiement à Essen et Düsseldorf. Notre solde était de 1RM par jour. Cela nous suffisait pour nos sorties de fin de semaine en ville. Fin mars, nous sommes retournés au camp pour la Vereididung, la prestation de serment. Pour nous Mosellans, c’était de toute évidence de la rigolade qui ne nous a pas posé de cas de conscience.

Normalement, la durée du service était de 6 mois. Le nôtre n’a duré que 3 mois. En 1943, ils avaient besoin de « main d’œuvre » ailleurs. Le 10 mai, nous avons quitté Aachen. Nous sommes rentrés en uniforme qu’il a fallu renvoyer au camp par la suite. Ces trois mois à Aachen ont été les plus relax de tout mon embrigadement de 30 mois chez les nazis. La suite allait être autrement sérieuse et dramatique. »


[1] La classe 1924 est parti au RAD en octobre 1942.

[1] C’est la règle générale. Mais, nous possédons par exemple des photos d’instruction au tir à Sarralbe.

[1] Les tenues du RAD masculin et féminin sont visbles à l’Espace-Mémoire à Hagondange.

 

 

 

 

 

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  7 rue du Docteur Viville  

 57300 HAGONDANGE

 03.87.72.08.6 

 

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