Le 10 décembre 2014, le vol AF
076 emportait vers Tahiti les restes mortels du caporal Robert LEQUERRE mort
pour la France le 4 juin 1940.
C’est le retour au pays 75 ans, après son
départ. Philippe KEUER, secrétaire d’ASCOMEMO est intervenu auprès de la
famille et des services de l’état civil de Papeete pour les renseigner sur les
circonstances de la mort du caporal LEQUERRE ainsi que sur les lieux de
sépultures successifs de son corps.
Caporal Robert LEQUERRE
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Robert LEQUERRE est né le 20 octobre 1917 à Papeete, Tahiti.
Il effectue son service militaire
dans la Compagnie Mixte d’Infanterie Coloniale de la Nouvelle Calédonie
Détachement de Tahiti à partir du 15 avril 1938.
Le 7 juin 1939, il signe un
engagement de 4 ans au titre du 41e RMIC qui tient garnison à Sarralbe, ... à 16.000 km de Tahiti.
Le 23 juin il embarque sur le
paquebot le Sagittaire, qui l’emmène vers la France. Il quitte ce jour-là l’île
qui l’a vu naître, sa bienaimée, ses deux petites filles et toute sa famille.
Quand les reverra-t-il ?
Après 40 jours de
navigation, il débarque au début du mois
d’août à Marseille. De là, il rejoint Sarralbe (Moselle) où se trouve le PC du
41e RMIC.
Il est affecté à
Puttelange-lès-Farschviller, ville de garnison du 2e bataillon du 41e
RMIC.
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Les événements se précipitent
Dès le 20 août, les permissions
sont supprimées en France et les permissionnaires rappelés. Les autorités
militaires mettent progressivement en place les mesures préparatoires à la
couverture puis à la mobilisation générale.
Le 1er septembre 1939, l’Allemagne attaque la
Pologne. Ce même jour, les populations françaises riveraines de la ligne
Maginot sont évacuées. Le 2 septembre la
France décrète la mobilisation générale et le 3 à 17h, elle déclare la guerre à
l’Allemagne.
Robert est affecté à la 3e
compagnie de mitrailleurs du 41e RMIC qui se déploie derrière les
inondations duMutterbach, au Sud-Est de Rémering-lès-Puttelange
La « drôle de guerre »
Robert, qui a grandi sur le sable
chaud près du lagon de Tahiti, va connaitre, durant de longs mois, des
conditions de vie particulièrement éprouvantes : les pluies glaciales de
l’automne, les longues périodes de températures négatives, la neige, les
interminables nuits de veille à scruter le noir de la nuit, loin des siens...
Le courrier circule mal et Tahiti est trop loin pour espérer aller y passer une
permission...
10 mai 1940 : c’est l’alerte
A partir du 10 mai les allemands
débutent leur offensive à l’Ouest. Les avants de la ligne Maginot sont attaqués
à partir du 12 mai. Puis, petit à petit, le commandement français va retirer
les divisions de couverture et les forces restantes sont regroupées sur la
ligne principale de résistance. Les avant-postes se trouvent alors en première
ligne.
L’avant-poste de Grundviller
Robert LEQUERRE est affecté à la
défense du village de Grundviller qui se situe en avant des positions
françaises de Rémering-lès-Puttelange. Le 4 juin 1940, au terme d’une journée de
combats acharnés, les assaillants investiront les positions françaises dont
certaines seront totalement anéanties et d’autres évacuées.
Les français ont perdu 33 hommes,
tués, blessés ou portés disparus. Parmi eux, le caporal Robert LEQUERRE qui
venait de trouver la mort lors de l’attaque de son point d’appui.
Un
destin hors du commun
Le corps de Robert sera sommairement enterré sur
place par des soldats allemands. En juin 1941, il sera exhumé par les hommes du
« Gräberkommando ROBARDET » et ré inhumé au cimetière militaire de Petersruh (Hoste-Bas).
Le lieutenant ROBARDET transmet alors au Ministère des Anciens Combattants à
Paris les renseignements en sa possession concernant le soldat qui vient d’être
retrouvé.
Les services de ce ministère engagent dès lors une
procédure qui aboutit à l’enregistrement officiel de sa mort et à l’attribution
la mention « Mort pour la France ». Curieusement, la famille de
Robert ne sera informée de cette mort que le 17 octobre 1948...
En juillet 1949, Magdeleine DOUCET (née LEQUERRE),
sœur de Robert, et sa fille Evelyn, font le voyage de Tahiti à Hoste-Bas pour
venir se recueillir sur la tombe du soldat mort pour la France neuf ans plus tôt. Tristes retrouvailles dans un
cimetière déjà clairsemé par les exhumations des corps de soldats rendus à leur
famille l’année précédente... Beaucoup de questions resteront sans réponse
quand les deux femmes regagneront leur île...
Les soldats français encore enterrés à Hoste-Bas
sont exhumés en 1969 pour être regroupés à la nécropole nationale de Metz
Chambière.
Les décennies passent. En 2009,
Magdeleine, ainsi que les autres membres de la famille, qui ne l’ont pas
oublié, malgré la distance et les années, émettent le vœu de voir
rapatrier son corps sur son île natale.
Commencent alors une longue quête et un chemin administratif complexe.
Il faut
d’abord localiser le lieu de son inhumation (qui n’avait pas été communiqué à
la famille lors du transfert de 1969).
En 2010, Gérard DOUCET, neveu de Robert, vient en France et se rend à Metz
pour poursuivre ses recherches. Il retrouve la sépulture de Robert :
nécropole nationale de Metz Chambière tombe 658.
Première visite familiale
depuis 1949... S’en suivent de longues démarches auprès des autorités. A force
de patience et de persévérance, la famille obtiendra satisfaction.
Le 15
septembre 2014, Monsieur Kader ARIF Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants
et à la Mémoire auprès du ministre de la Défense, décide d'accéder, à titre
exceptionnel, à la requête de la famille, demandant le transfert en
Polynésie des restes mortels du caporal Robert LEQUERRE.
C’est ainsi que, 75 ans après
avoir quitté son île natale, le corps de Robert a rejoint les siens à Tahiti le
10 décembre 2014.
Honneurs militaires, veillée de prière, hommage de la famille
et de la population lors de l’exposition du reliquaire à la mairie de Papeete
le 13 décembre et cérémonies officielles ont accompagné le caporal Robert
LEQUERRE jusqu’à sa dernière demeure, au cimetière de l’Uranie où il repose
désormais aux côtés des siens dans la tombe familiale.
Philippe Keuer
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