Les pages d'histoire

du Trimestre

 

 

Marguerite DURRMEYER

 

 

                  

Fin 1940, Charles Hoeffel, syndicaliste cheminot de Montigny, prend contact avec ses camarades du Parti communiste dans les régions sidérurgique et houillère. Aussi rencontre-t-il à Hagondange Marguerite Durrmeyer, 20 ans, ancienne responsable des jeunesses communistes avec laquelle il cherche pendant cinq jours à prendre contact avec des personnes sûres et désireuses de s’engager dans la lutte antifasciste.

 

Une base est donc déjà jetée quand Jean Burger, instituteur avant guerre à Mondelange et Talange, membre de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), est contacté par Charles Hoeffel et Georges Wodli, membre du Comité central du parti communiste et résistant alsacien, pour organiser la Résistance en Moselle. Marguerite Durrmeyer fait la liaison entre les groupes de la vallée de l’Orne et Jean Burger.

Employée à la Reichsbahn, elle se charge du passage de paquets et de courriers. Elle a une boîte aux lettres à Pagny-sur-Moselle, chez Houillon. Le cheminot Schweitzer, parti de Hagondange pour Nancy, la prévient dès qu’il y a danger. Elle passe alors par le Haut-Plateau. Elle récupère également des armes dans la ligne Maginot et des fonds.

 

  

En 1945

 

 

Vol de papier

     Marguerite Durrmeyer participe à un commando en juillet 1942 pour voler du papier à l’imprimerie Georges Klein, rue de Metz à Hagondange. Kauffmann de Rombas et Zoeller de Hagondange font le gué. Waechter d’Amnéville et Marguerite entrent dans l’imprimerie, déroulent le papier, le coupent et le plient. Mais la grosse vis où est enroulé le papier grince.

 

        Des gendarmes, souls, passent devant l’imprimerie. Marguerite se cache derrière la machine armée d’un pistolet; Waechter se tient derrière la porte avec une grosse clef anglaise prêt à frapper. Seul le capitaine Dietrich entre sa tête s’étonnant que les scellés soient cassés : « - Bah, on reviendra demain remettre les scellés! »

Le danger passé, le papier peut être emmené et entreposé chez la famille Durrmeyer au 15 rue de la Marne.    

Le 14 juillet 1942, des affiches bleu-blanc-rouge sont collées à la mairie et dans la rue de la gare : « Vive le 14 juillet de la République française. » Sur les édifices publics, la nuit, avec de la chaux dans laquelle elle ajoutait de « l’esprit de sel », Marguerite écrivait des inscriptions appelant à se soustraire à l’armée allemande « Ca mordait dans la pierre », disait-elle.

Contact avec les PG russes de Boulay

    Par hasard, Marguerite Durrmeyer arrive à établir un contact avec la famille Grossmann dont le père est électricien au camp de prisonniers de guerre russes de Boulay dans lequel il se rend tous les jours. « Écoutez Madame Grossmann, je m’appelle Simone Garnier et je suis déléguée de la Croix-Rouge de Genève.

   Nous avons appris qu’il y avait tellement de misère dans le camp où travaille votre mari. Nous n’avons pas le droit d’y entrer.

 

   Mais peut-être par l’entremise de votre mari, pourrait-on faire parvenir de temps en temps quelques colis. » Ainsi, Mem Simone (pseudo de Marguerite) apporte régulièrement des paquets de sucre, des cigarettes et du tabac préparés à Metz.

   Dans le tabac, des messages pour l’officier soviétique Alex, lui proposant des évasions pour rejoindre le maquis de Longeville-lès-St-Avold. Cela ne se fait pas. Repérée par les Allemands, Marguerite est par la suite remplacée par Hocquard de Metz. Elle est envoyée « en vacances »  en Allemagne.

 

Arrêtée sur dénonciation :

 

   Mais le cloisonnement théorique des groupes de trois n’est pas respecté. Camarades de travail, chacun apprend très vite que tel ou tel appartient à un groupe de résistance. Ainsi, quand un membre est pris, le plus souvent pour se préserver ou préserver sa famille, il parle et peut donner plus que les noms de ses deux complices. De plus, la Gestapo réussit à introduire dans le milieu un mouchard qui dénonce entre autres Charles Hammer et des prisonniers russes.

 

  Rentrée fin septembre 1943, Marguerite Durrmeyer est arrêtée à Metz alors qu’elle doit entrer en contact avec Anne Schultz au 3 rue Vauban pour lui indiquer l’emplacement de bâtons de dynamite volés sur un chantier et cachés dans un tuyau d’écoulement désaffecté entre Mondelange et Richemont. Emmenée rue de Verdun au siège de la Gestapo, elle réussit à manger le papier où figure le plan de la cachette. Elle apprend l’arrestation de Jean Burger et de ses principaux lieutenants. Profitant de l’inattention de ses deux gardiens occupés à s’allumer une cigarette, elle réussit à s’enfuir et à prendre le tramway jusqu’à Frescaty.

  Elle se cache ensuite dans une rame stationnée à la gare de Metz. Prise en charge par les cheminots, elle est mise dans un sac postal et transbahutée dans le fourgon postal en direction de Sarrebruck.

  Elle saute à un feu rouge peu avant Uckange et se cache chez Kauffmann à Mondelange. Puis, elle se rend à Metz pour prévenir des arrestations et se réfugie chez la passeuse Louise Olivier. Inquiétée par la Gestapo, un passeur de la filière ayant échappé de justesse à son arrestation, Mme Olivier ne peut pas la garder chez elle. Elle se rend alors chez Bauer à Hagondange.

   Elle teint ses cheveux, se rase les sourcils et se cache chez Schunck. Mais le 14 octobre 1943, sur dénonciation, la Gestapo débarque à 6h30 chez Schunck et les arrête tous les trois.

   Dans la cour est déterré un pistolet Luger. Le camion qui les embarque se dirige ensuite à Amnéville où le couple Siener est arrêté. Les familles Schunck et Siener sont emmenées directement au fort de Queuleu, yeux bandés et mains liées dans le dos. Adolphe Siener, 54 ans, y décède le 21 février 1944. « Moi, menottes aux mains, menottes aux pieds, on me monta dans un bureau à la Gestapo de Metz, raconte-t-elle. Je suis accueillie à bras ouverts. A coups de chaise, à coups de bâton, à coups de poings… On ne peut pas raconter; on ne veut pas raconter. »

 

 En 2001

 

     

 

      Elle est enfermée pendant deux mois et demi dans les caves de la Gestapo avant d’être envoyée à Queuleu. « Le commandant avait un chien qui, poursuit-elle, s’appelait Alma. Il s’est amusé à faire courir des femmes dans le grand corridor en appelant son chien : « Attaque! Attaque! » Dix fois, vingt fois l’aller-retour, courir, courir pour que le chien ne vous attrape pas…

   

Les femmes de Longeville me faisait mal au cœur. Elles pleuraient tout le temps. On a tiré des fils de jute de nos sacs et on leur a fait des chapelets… »

 

    Puis elle est internée au camp de Schirmeck où elle est libérée par les Américains le 20 novembre 1944.

 

Mariée à Fernand Obrecht, lieutenant de Burger, décorée de multiples médailles dont la Légion d’honneur, Margot était un personnage haut en couleur et incontournable dans le monde anciens combattants.

 

  Rencontrée en 1991 à l’occasion de mes recherches sur Hagondange, je la croisais régulièrement lors de manifestations patriotiques, notamment au fort de Queuleu. Elle nous avait également fait l’honneur d’être présente à Hagondange pour l’inauguration de la Semaine de la Mémoire en mai 2005. Elle est décédée le 2 décembre 2005 à l’âge

de 85 ans.

 

  Sa voix, son tempérament, ses « coups de gueule » nous manqueront…

Philippe WILMOUTH

 

(Extrait du Livre « Grosshagendingen » de Philippe Wilmouth et témoignage de Marguerite Durrmeyer dans « Eloge d’une Résistance oubliée » de France-Barcelone Film) 

 

 

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