Les pages d'histoire du Trimestre |
Il y a 70 ans Du 6 avril au 3 mai 1941 : opter vers la France ! |
En février 1941, Bürckel permet aux Mosellans se reconnaissant Français de déposer une demande d'émigration. Le 27 février 1941, les premières demandes sont déposées en mairie. Mais il faut attendre le 16 mars 1941 pour qu'un communiqué de Bürckel soit publié dans le Lothringer Verordnungsblatt, le bulletin des lois pour la Moselle, dans lequel il annonce que tous les volontaires pour partir en France doivent se présenter à la police jusqu'au 19 mars 1941. La date est ensuite repoussée au 22. L’abbé Alphonse Meyer de Bouzonville évoque, dans son journal, la complexité du choix qui s’impose aux Mosellans : « L’offre était tentante : pouvoir échapper de cet enfer hitlérien sans risque d’être traqué par la police, sans dangers d’un passage clandestin de la frontière, cela semblait presque incroyable. Etait-ce un piège pour connaître le fond de la pensée des gens ? Ou quelle autre ruse se cachait sous cette offre ? Question angoissante surtout pour les pères de famille qui voulaient soustraire leurs enfants au régime nazi. Quand des gens venaient me trouver pour me demander mon avis, j’étais parfois perplexe… Dans certains cas, les intérêts en présence rendaient une décision très malaisée. Partir, mais c’était abandonner un peu plus de notre Lorraine aux envahisseurs ; c’était diminuer la résistance contre l’influence nazie.»1 Mais, tous ceux qui demandent à partir ont une bonne raison. Hubert Kauffmann d’Algrange s’en explique dans un courrier : « Nous sommes fixés sur le sort de mon frère Alfred. Ce malheureux est tombé à Jargeau près d’Orléans le 16 juin dernier, victime d’un bombardement… Tu sais, j’étais déjà décidé à partir en France avant ce deuil qui nous a frappés ; mais après, je ne pouvais plus voir un uniforme gris sans me fâcher. J’ai donc sauté sur la première occasion qui se présentait pour tirer ma révérence à ces messieurs les Allemands. Et me voilà à Lyon avec ma petite famille. »2 On veut aussi rejoindre sa famille restée dans le sud-ouest après l’évacuation de 1939 ou expulsée par les Allemands. On veut aussi quitter la région après avoir subi depuis dix mois les affres du nazisme. Des familles ont des jeunes « enrôlables » dans le Reichsarbeitsdienst, service du travail du Reich, véritable préparation militaire qui, en avril 1941, est en cours d’institution en Moselle. Il préfigure l’incorporation des Mosellans dans la Wehrmacht. Or, beaucoup refusent que leurs fils portent l’uniforme allemand. L’option est une occasion d’éviter l’inévitable. A la différence des expulsions de 1940, la démarche est donc volontaire, réfléchie et préparée. On part pour fuir une terre devenue, de fait, allemande et à laquelle on veut imposer le régime nazi. Le soir du 1er avril 1941, les autorités allemandes préviennent le gouvernement de Vichy de l’imminence d’une action d’expulsion. Les premiers départs ont lieu le 6 avril 1941 dans la région thionvilloise. Les personnes concernées reçoivent un Merkblat, une feuille d’informations. Il est accompagné d’un aide-mémoire qui contient la liste des objets qu’ils sont autorisés à emporter. Le déroulement ressemble à s’y méprendre aux expulsions de 1940. « Contrairement à ce qu’avait annoncé le Gauleiter, nous n’avions droit ni à nos meubles, ni à nos bagages. Notre départ volontaire se transformait en expulsion et nous devions abandonner tous nos biens. Grâce à la complicité d’amis et de parents, nous essayâmes de soustraire à l’occupant tout ce qui pourrait être sauvé. Une partie de nos affaires fut ainsi dispersée et entreposée en lieu sûr. »3 Mais, là, pas de policier qui vient frapper à la porte et qui laisse une heure pour préparer les bagages. Il faut partir. Les Allemands l’autorisent et mettent à disposition de ces « émigrés » parfois des bus, sinon des trains. « Le 25 avril, nous avons eu l’ordre de partir d’Audun-le-Tiche. Il fallait rejoindre Thionville par nos propres moyens. Nous avons entassé nos bagages sur une petite charrette à bras et nous avons pris le chemin de Thionville. Monsieur André, directeur de l’usine d’Audun, ayant eu connaissance de ces faits a dépêché un véhicule de la société pour nous conduire jusqu’à la gare de Thionville. Un Audunois qui avait rejoint notre compartiment nous a avoué qu’il n’avait pas l’autorisation de partir mais qu’ilavait profité de ce départ pour rejoindre la zone non-occupée. Il faut dire que les vérifications effectuées par les Allemands n’étaient qu’apparentes.»4
Le général von Stülpnagel, devenu gouverneur militaire de la France, est frappé par « cet exode de masse … »6 . 6 707 optants sont enregistrés à Lyon-Brotteaux après que huit trains les aient déposés. Un rapport SS de 1943 annonce le chiffre de 7 818 en six convois. Les services de police de Lyon recensent, eux, 5 350 arrivées.7 Origine géographique des optants 8
1 ADM 2W61 et 40J2 2 A.P. : lettre Hubert Kauffmann, expulsé d’Algrange, Lyon le 03.05.1941 3 Témoignage Roger Bolzinger, Rombas, 2002 4 Témoignage Désiré Bourson Audun-le-Tiche cité par Eugène Gaspard, Ceux que rien ne font oublier, p. 113 5 ADM 3W71 6 Dieter Wolfanger, Nazification de la Lorraine mosellane, p. 122 7ADR 45W40 8 ADM 3W71
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